Les enjeux de la réforme du PER pour la gestion d’actifs responsable

Anass Patel
Jun 2022

Le sujet des retraites est souvent traité soit de manière détachée (« on verra plus tard »), soit de manière – légitimement - viscérale (« notre avenir est en danger ») en fonction de l’âge et de la situation des personnes. Le débat public et politique autour des réformes successives des retraites a contribué à cette polarisation, avec le risque bien réel que notre système de retraite ne puisse répondre aux préoccupations de nos concitoyens qui n’ont pas la possibilité de préparer leur retraite tout au long de leur vie professionnelle.

Si on prend en compte cette dimension du débat et qu’on essaie de voir, dans l’ensemble du dispositif proposé, ce qui peut être utilisé concrètement pour améliorer les choses, on se rend vite compte que la loi PACTE (« Pour la Croissance des Entreprises ») est l’un des outils les plus substantiels dans la transition participative de notre économie.

Mais de quoi parle-t-on ? Quel impact concret sur les retraites ? Qu’est-ce que ça change, pour les salariés comme pour les entreprises ?

C’est ce qu’on vous propose de voir ensemble dans ce décryptage.

En clair la stratégie du gouvernement repose sur trois piliers :

Simplifier la palette de produits disponibles en un seul schéma pour aider les épargnants à capitaliser ou à générer une rente, via notamment le plan épargne retraite Augmenter la diversification des produits existants, notamment concernant leur allocation de long terme au service de l’économie réelle Stimuler la compétition entre les offres des compagnies d’assurance et les gestionnaires d’actifs, puisque le PER peut être au choix un produit d’assurance vie ou d’investissement Les experts sont unanimes sur le fait que la loi PACTE a introduit des innovations dans les plans de retraite volontaires, en les rendant plus attractifs pour les salariés comme pour les employeurs, tout en évoluant vers un modèle plus unifié et, comme on le verra, plus participatif.

On élargit l’horizon de distribution et la palette d’actifs disponibles, pour la diversification, tout en incitant les entreprises à adopter de meilleures pratiques sur le plan social, environnemental et en termes de gouvernance.

Pour bien le comprendre, il faut dézoomer un peu pour replacer la discussion dans le contexte de l’épargne des Français, plus généralement.

L’état du match

Le principal objectif des placements de long terme est de protéger le capital accumulé contre l’érosion par l’inflation, ce qui es souvent plus facile à dire qu’à faire. Dans un pays comme la France, qui possède 80% de réserves, il est difficile d’influencer ou de coordonner la planification privée des retraites, puisque seules 2,3% de ces sommes sont gérées dans le privé (contre 17% en moyenne dans les pays de l’OCDE), avec l’idée pas toujours vérifiée que les caisses gérées de manière publique seraient plus en ligne avec l’intérêt (sans jeu de mot) des épargnants.

Pourtant, avec 12% de leurs revenus dans l’épargne, les français sont parmi les plus précautionneux. Avec une richesse totale de 12 trillions d’euros, dont 57% sont investis en immobilier, les Français ne sont pas des boursicoteurs chevronnés mais des épargnants prudents. C’est d’autant plus vrai que leurs investissements en actifs financiers se porte à 5,2 trillions, dont les deux tiers sont placés sur des produits à capital garanti ou des placements de faible risque (comme le fonds euro des assurances vie). On est bien loin des démarches spéculatives qu’on imagine parfois en matière de placement.

Quand on parle de préparer la retraite, on peut s’attendre que les épargnants privilégient des investissements de long terme, avec une allocation maximisant le ratio rendement-risque. Là aussi, sur les 880 millions de placements en vue de la retraite, 43% sont alloués à l’assurance vie.

Le sens de la démarche

Il est donc très logique que le gouvernement vise une augmentation de 100 milliards d’euros des fonds de retraite d’ici 2022, en espérant que cela incite les gestionnaires de fonds à proposer de nouveaux produits et à mieux les distribuer. Dans le même temps, il souhaite inciter les épargnants à placer leur argent sur des solutions plus risquées et potentiellement plus rémunératrices, investies dans l’économie réelle.

L’idée est simple : d’une part pousser les professionnels de l’épargne à proposer mieux, en les mettant en compétition sur le développement de ce marché et, d’autre part, de faire des Français des épargnants exigeants et planificateurs, avec un intérêt direct dans l’économie réelle du pays.

C’est dans cet esprit que l’Etat octroie des facilités et des réductions d’impots, aux salariés comme aux employeurs, quand les collaborateurs font des versements au titre de l’épargne salariale ou acquièrent des parts de l’entreprise.

Ce qui change pour la gestion d’actifs

Dans ce domaine :

Les épargnants auront désormais le choix de recevoir soit des annuités, sous forme de rentes viagères, soit une somme en capital au moment de leur retraite Le traitement fiscal favorable des produits de retraite encourage le passage de contrats d’assurance classiques vers le PER, ce nouveau contrat unifié avec une liberté de choix dans l’allocation, pour les épargnants. Cela permettra aux gestionnaires d’actifs de se différencier. Ils devront proposer la possibilité aux épargnants de choisir leur allocation type et de définir des dates cibles pour leur retraite, sur le principe d’une architecture ouverte. Fini les produits monolithiques et opaques que les clients doivent juste accepter, sans alternative réelle. Ils auront désormais le choix de leur allocation, de leur horizon optimal et des modalités de rétribution de leur placement.

Quel impact pour les acteurs de la gestion d’actifs ?

C’est exactement cette approche que nous avons privilégiée pour PERENYS, un contrat d’épargne retraite en co-conception avec nos partenaires en France et au Luxembourg, avec d’une part un univers de placement organiquement lié à l’économie réelle (fonds d’infrastructures et unités de comptes pré-selectionnées sur des orientations durables) et, d’autre part, une palette d’outils permettant d’offrir à chaque épargnant une allocation qui corresponde à son profil.

Les gestionnaires d’actifs et les compagnies d’assurance seront en concurrence directe pour la distribution et la gestion des solutions de retraite. C’est un nouveau paradigme, qui pourrait bien se traduire par une convergence entre ces deux métiers historiquement distincts.

Les entreprises de gestion d’actifs devront capitaliser sur leurs capacités à se distinguer en offrant aux épargnants quelque chose qu’ils demandent : que ce soit à travers les questions environnementales, sociales, de gouvernance (ESG) ou encore des attentes sociétales sur le plan des valeurs de sens et d’utilité, comme le souhait de plus de transparence et d’adossement à l’économie réelle, plutôt qu’à des économies de dette.

Ces attentes deviennent de plus en plus légitimement incontournables pour notre génération et il est donc logique qu’elles soient prises en compte, au cœur du modèle d’épargne de long terme, sur lequel se repose le financement d’une partie de notre économie.

Les nouvelles opportunités de distribution de l’épargne retraite

La loi PACTE élargit la distribution par la diversification des actifs éligibles pour les plans d’épargne retraite, qui étaient jusque-là cantonnés à des schémas d’épargne au sein des entreprises.

En libéralisant les possibilités des supports de l’épargne retraite, l’intention du régulateur est d’encourager les investissements responsables, en donnant le choix décisionnel aux épargnants eux-mêmes. Cette notion d’investissement responsable fait d’ailleurs partie des principes mis en avant par l’ONU, s’agissant des grandes orientations financières recommandées aux états.

Depuis 2020, tous les contrats d’assurance devront avoir au moins un investissement labélisé socialement responsable (ISR) et, à partir de 2022, elles devront également avoir au moins deux fonds ayant un impact environnemental et social.

En clair : Les épargnants auront désormais le choix du support d’investissement de leur Plan Epargne Retraite et ne seront plus limités à ce que propose leur entreprise Ils pourront à terme retirer de leur épargne retraite des sommes significatives, soit en une sortie de capital (fractionné inclus), soit sous forme de rentes Ils auront de plus en plus de choix, avec des options explicites sur le plan éthique, environnemental et social dans les années à venir. Néanmoins, cette approche demeure limitée à des actifs labélisés bien circonscrits, omettant d’intégrer la composante socialement responsable de manière transversale et beaucoup plus large. Cela crée de facto une barrière pour entrer sur ce marché. On va ainsi vers une segmentation des labels (social, environnemental, éthique, etc.) plutôt que vers une convergence des objectifs de long terme : financer de manière responsable et durable le développement des activités humaines, avec éthique, réalisme et bienveillance.

Le risque est bien réel : faire des questions d’utilité et socialement responsable des segments de l’offre, plutôt que des principes transversaux guidant l’ensemble de l’économie.

Une approche de long terme, combinant un rapport renouvelé à l’économie réelle et une dimension d’utilité sociale pleinement consentie est à encourager. Elle ne relève pas uniquement de l’innovation produit, mais permet à l’ensemble de la chaine de valeur de progresser, tout en en partageant les bénéfices, que ceux-ci soient financiers ou sociétaux. C’est à cette condition que l’évolution proposée du système d’épargne et de retraite sera un levier de transformation sociétale et de progrès ; et non un instrument de libéralisation et de précarisation des plus vulnérables.

Accroître le partage des profits des entreprises et l’actionnariat salarié

Les plans d’épargne en direction des salariés sont une bonne façon de les associer à la performance de l’entreprise, soit par l’intéressement, soit par la participation, soit encore par l’actionnariat salarié, qui fait partie des recommandations dans la loi PACTE.

A l’heure actuelle, seuls 16% des employés des entreprises de moins de 50 salariés ont accès à ce type de schéma de participation aux profits. L’objectif de la loi est de doubler ce nombre. C’est une évolution majeure.

Ces mécanismes de partage sont souvent considérés, à juste titre, comme une forme de démocratie économique, réduisant ainsi le conflit et la différence de vue structurelle entre les employeurs et les salariés et renforçant au passage la cohésion sociale.

Promouvoir l’équité en partageant les bénéfices de l’entreprise plus largement et plus justement est clairement une décision responsable, sur laquelle doivent s’interroger les responsables politiques et économiques, d’autant plus dans un contexte post COVID 19 et après les mobilisations des gilets jaunes, dont nombre de revendications portaient également sur la justice économique et le partage des richesses.

Des études ont montré que les collaborateurs sont beaucoup plus impliqués dans leur entreprise et plus en phase avec son activité quand ils en sont eux-mêmes des actionnaires. Ainsi, la satisfaction des salariés, leur motivation comme leur productivité ne sont pas uniformes, mais on observe en moyenne des gains de performance entre 4 et 5%... De quoi faire réfléchir même les moins (spontanément) généreux sur l

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Anass Patel
Jun 2022